Hidden Dynamics

[ en - fr ]

L'exposition Hidden Dynamics cherche à révéler la dynamique cachée des éléments graphiques, et plus particulièrement celle des régularités compositionnelles propres à ma pratique du dessin abstrait. Cette exposition s'inscrit dans une démarche doctorale de recherche-création dont la thèse s'intitule La Composition Picturale — Modélisation, Perception & Création.

La composition picturale, entendue comme la disposition des éléments graphiques sur le plan, est généralement associée à des règles qualitatives et des heuristiques. Bien qu'instructives pour les artistes et leur pratique, ces normes agissent comme des contraintes externes sur le plan. Je pense que les œuvres d'art sont capables de fixer des caractéristiques de composition plus fondamentales dans leur matière picturale même. Je développe donc un paradigme supposant l'ensemble des œuvres d'un·e artiste comme les vues partielles d'une représentation en plus grandes dimensions, et agrégeant des régularités compositionnelles intrinsèques. Je choisis de matérialiser cet objet hyper-compositionnel théorique par un espace continu, vectoriel et probabiliste. D'autre part, la nature séquentielle et non stationnaire du processus de composition, ainsi que la définition complexe et évolutive de ses unités fonctionnelles sous-jacentes, se combinent en un phénomène perceptif qui ne se modélise pas facilement par les modèles d'apprentissage profond basés sur des pixels, e.g. CNNs. J'adopte une stratégie différente, construite autour d'une définition paramétrique de l'exécution des traits et de RNN-VAEs imbriqués hiérarchiquement. Cela permet au modèle d'aborder la matière picturale en alignant son comportement sur le geste artistique. Ces réseaux neuronaux artificiels sont ensuite entraînés sur plus de 5000 compositions abstraites personnelles, et cherchent à former un espace compositionnel à la fois compact, cohésif et expressif. Je vérifie alors l'homogénéité perceptive de la densité latente de cet espace à travers des expériences de jugement de similarité entre des compositions générées. Les algorithmes qui en résultent me permettent d'explorer l'interaction dynamique des éléments graphiques en fonction non seulement de mes propres régularités de composition, mais aussi des régularités perceptives des visiteurs. Enfin, le concept d'hyper-composition est intimement associé à la multitude et toute tentative de restitution sur papier est confrontée à la continuité, à la diversité, et donc à l'infini. Les dynamiques capturées par le modèle se situent également dans les transitions, les interpolations et les séries, que seul un traceur numérique est capable de reproduire.

Les propositions Surrounding sont le fruit d'interpolations sphériques bidimensionnelles effectuées avec une très haute densité d'échantillonnage. Le but de ces cartographies hypnotiques est de montrer les changements compositionnels délicats s'opérant le long des dimensions cachées du modèle.

Avec Uncertainty, je tente de représenter directement l'incertitude produite par de petits mouvements le long des dimensions latentes de l'espace compositionnel. L'accumulation de lignes fines produit un effet de croquis, comme si le modèle cherchait le bon trait pour dessiner son objectif. Certains éléments en ressortent renforcés, tandis que d'autres semblent difficiles à positionner, ou à obtenir une juste courbure.
Je propose également une alternative dans laquelle une surface joint les lignes correspondantes de deux échantillons locaux dans l'espace des compositions. Ce principe souligne lui aussi l'incertitude des éléments individuels, mais avec un langage graphique plus net. Il apparaît alors que l'indétermination d'une ligne peut se voir comme l'approximation de sa dynamique intérieure, et s'exprimer dans l'épaisseur d'un trait.

Sous la densité d'une ligne épaisse, nous ne connaissons pas la transition interne de l'une à l'autre de ses bordures. Pour les tracés Transition, j'opère des interpolations sphériques entre deux échantillons locaux, tout en traçant l'ensemble des lignes intermédiaires. Les compressions/dilatations au sein de chaque élément graphique produisent un effet d'encre diluée, qui peut aussi donner la sensation d'un relief peu profond, ou de surfaces enveloppantes.

Avec Trace, j'explore un principe visuel différent basé sur des interpolations perceptuellement corrigées, et dont je reproduis la trace le long de déplacements constants horizontaux, verticaux ou circulaires. De cette manière, les aspects compositionnels sont complètement anéantis, mais ils laissent place à des volumes calmes et naturels, évoquant le passage de formes disparues, où seule la dynamique demeure.

À voir aussi : dataset des compositions, modèles & expériences, traceur numérique.

Acknowledgements : PSL University (scholarship), ENS (doctoral school), SACRe and LSP (hosting labs).